En France, la croisée des chemins est un rond-point.

Où sont les éco-innovateurs sociaux ? Où sont les forts et les sages ? Où sont les puissants et les riches ? Nous ne sommes pas encore au complet, c’est pénible.

 

1. L’internationale financière et capitaliste en ordre de marche

La masse, c’est le peuple privé de ses élites. Ne parlons pas de celles qui ont trahi pour une montagne ou une poignée d’Euros et un place au chaud dans le paradis immanent de la consommation. Ces élites-là, économiques, politiques et médiatiques ont viré leur cuti néolibérale dès les années 70 pour mieux enculer le peuple, faisant mine de croire en la Main Invisible du dieu marché et en la vertu monétaire de la déesse dette. La mauvaise foi permet de se regarder dans un miroir. Elle dicte dans les rédactions: « malgré le démantèlement du secteur public et social, le blanc seing donné à la finance et aux banquiers centraux ne ruisselle-t-il pas partout pour assurer la prospérité de chacun selon sa compétitivité ? » ou encore : « Malgré le 7ème continent de plastique, le poison mis dans l’air dans l’eau dans la terre ou la chair de tous, malgré l’extinction des espèces, la canicule et les tempêtes, ne sommes-nous pas en train d’investir de plus en plus dans la croissance verte ? ». Passons.

2. Les fers de lances croisés du Prolétariat

Restent les autres élites, celles qui sont du côté du peuple.
Du côté des élites phares du prolétariat (vocabulaire du XXè s.) ou qui croient l’être, mais en tout cas qui maintiennent la tradition de l’éducation populaire, en 2018, c’est la première fois dans ce siècle que la gauche révolutionnaire anti-capitaliste et sociétalement progressiste d’un côté et le souverainisme volontiers autoritaire et conservateur de l’autre collaborent de facto au sein et en marge d’un mouvement de révolte populaire. En 2011 avec les Indignés pour une Démocratie réelle (Occupy Wall Street), et ensuite, avec Nuit Debout, c’était impossible. Mais justement, ce n’étaient pas des révoltes populaires. Maintenant, même M. Ruffin devenu député entre temps, met en sourdine l’appel au cordon sanitaire antifa. On croit rêver. La connerie aurait-elle ses limites d’un côté ou de l’autre. L’union sacrée se fera-t-elle enfin en ayant identifié correctement l’ennemi principal, qui est aussi l’ennemi de toute vie sur Terre ?

3. Les colonies ici

Maintenant, les indigènes de la République, déportés ici avant la désindustrialisation, sont déjà aux côtés du peuple parce qu’on leur a récemment interdit l’entrée à l’Université. Tout le monde constate comment ils sont plus exposés que d’autres à être alignés à genoux et mains derrière la tête comme les Palestiniens de Cisjordanie.

4. Les éco-innovateurs sociaux

Parmi ceux qui manquent cruellement pour compléter ce tableau coloré, ce sont justement ceux qui ont la clé de la solution d’avenir qui manque aux deux premiers. Il s’agit des éco-innovateurs sociaux déjà en retrait de la prodution-consommation et affranchis des modes de vies taxables, ou bien en voie de l’être. Pour ceux-là, se préoccuper des taxes sur le gazole est un combat d’arrière-garde trop honteux. Ils disposent pourtant, avec les geeks cyber-communautaires, des solutions d’intelligence démocratique à la hauteur des mutations à l’oeuvre dans l’humanité interconnectée. Par la Permaculture ils disposent de l’approche systémique holistique à la hauteur des défis économiques et environnementaux. De la solidarité et de la participation constructive de leur part serait la bienvenue, surtout que leurs oasis de verdures finiront aussi en grillade désertique s’ils continuent à penser s’en sortir seuls au coin du feu alors que 7 milliards d’humains risquent encore pendant 50 ans à mettre partout le feu au climat si tout le monde ne s’y met pas. Et l’idée vaut aussi pour les villas des nantis appelées à être noyées sous la montée des océans, et le reste à l’avenant.

5. De l’ancien au nouveau Consensus

Le consensus du Conseil National de la Résistance de 1948 a vécu. Il est mort dans les affres d’une longue agonie suite à la gangrène monétaire inoculée dès 1973 sous forme de dette exponentielle à faire peser sur le secteur public ; gangrène généralisée à toute l’Europe par les traités de Maastricht et de Lisbonne. Un demi-siècle plus tard, le néo-libéralisme n’en finit pas de fêter sa victoire totale dans les convulsions et les bruits de bottes. Conçu pour faire triompher les intérêts des puissants, il est sur la trajectoire d’accomplir sa mission jusqu’à la rupture systémique ; déjà étudiée à la loupe par les cyniques suicidaires pour savoir comment en tirer profits et bénéfices.
Mais il est temps de sortir sa tête de son cul. Depuis, la Libération, le monde a changé, de nouveaux périls inouïs se dessinent pour la Civilisation et la Vie, où du très riche aux plus démunis et il ne suffira donc pas de restaurer le pacte du CNR d’équilibre public-privé. La 6ème extinction des espèces est amorcée, y compris de la nôtre avec la crise climatique.
Il nous faut donc bâtir, avec imagination et intelligence, un nouveau Consensus et en illuminer la Civilisation, et pour cela en appeler à tous les êtres de conscience quel que soit leur bord. C’est, dit-on, le destin de la France et ce qui est attendu d’elle.
Des 0,01% aux 99,99 % tous, nous avons à écrire l’Histoire au futur, pour nos enfants, mais aussi pour tout ce qui verdoie, pour les oiseaux du ciel, pour tout ce qui grouille sur Terre ou qui nage sous les eaux.
Le peuple crie aux fenêtres, mais dans le silence et le vide entre les étoiles, la Terre bleue et vivante porte encore et toujours une Humanité tiraillée entre démesure et sagesse ; une humanité qui malgré sa tendance à chuter dans la cupidité le stupre ou l’orgueil, reste son plus bel engendrement. Nous avons tous perdu notre dignité, soyons donc sublimes. Tissons l’étoffe jaune fluo de l’avenir avec courage, amour et intelligence.

Argentoratum, décembre 2018

source illustration : http://blogfr.p2pfoundation.net/tag/communs/

Vigilius Argentoratensis, licence Creative Common CC-By-SA, octobre 2018, texte librement reproductible, réutilisable, modifiable, y compris à un usage commercial, mais en faisant mention de la source : http://eutopic.net/vigilius et à condition que le texte modifié soit publié sous la même licence.

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De la gouvernance du mouvement social

La stigmergie est une pratique d'intelligence collective non centralisée

La stigmergie est une pratique d’intelligence collective non centralisée

Le mouvement « Nuit Debout » de 2016 en France rencontre les mêmes difficultés que ses prédécesseurs. En 2011-2012 (avec Occupy Wall Street, DRY, Indignados, 15M), le mouvement social avait déjà testé des assemblées décidant à la majorité et des assemblées décidant au consensus. Pour améliorer ce dernier, le mouvement de la Puerta del Sol avait élaboré une approche constructive du dissensus (l’absence de consensus). En cas de désaccord persistant, la fraction irréductible mène son action de façon autonome. La formulation en était assez complexe et avait tendance à connoter l’irréductibilité comme un échec du consensus, ce qui n’a pas facilité sa transmission et sa à mise en pratique. Parallèlement à cette évolution chez les activistes, le mouvement des Communs et de la Transition systémique propose une nouvelle forme souhaitable d’organisation, celle où les assemblées ou les groupes mettent en oeuvre la stigmergie, la libre agrégation des initiatives et des contribution des individus et des sous-groupes affinitaires ou spécialisés. C’est la forme d’organisation non centralisée des insectes sociaux depuis 300 millions d’années.

Au sujet de la gouvernance démocratique du mouvement social, inutile de parler ici de la décision à la majorité qui était à la mode jusqu’au XXème siècle, puisque qu’elle se fonde sur la recherche d’un rapport de force majoritaire, ce qui dégrade l’intelligence collective du groupe, démotive la minorité et conduit à la division et à l’affaiblissement du mouvement. Pour y résister, le système majoritaire s’adjoint une morale (sacralisant l’obéissance à la ligne du Parti, à la cause) et menace les récalcitrants de sanctions ou d’exclusion. Passons.

Un mouvement social ne peut pas non plus être piloté au consensus. Le bilan de Occupy/Indignés 2011 démontre que le consensus est torpillé en milieu ouvert par les pervers relationnels, par les sous-marins de l’establishment et par les fauteurs de division idéologiques pour qui l’orthodoxie est toujours plus importante que le succès du mouvement.
Un autre inconvénient du consensus – qui reste un idéal de l’intelligence collective atteignable et souhaitable – est qu’il se construit par des discussions, des apprivoisements et des itérations qui demandent du temps. C’est alors la Commune qui ergote pendant que les Versaillais canonnent aux portes de Paris. De façon plus générale, le consensus seul, en soumettant les initiatives individuelles ou affinitaires à l’autorisation du groupe, tue la spontanéité, la réactivité et s’assimile à une bureaucratie pesante et un éteignoir.

C’est pourquoi, une nouvelle forme d’organisation collective est en train d’apparaître, tant chez les porteurs de projets collectifs que chez les activistes du mouvement de contestation.
C’est la forme stigmergique, qui permet à la fois la libre agrégation des énergies, des initiatives et des bonnes volontés, sans imposer le rituel de leur adoubement par l’assemblée, adoubement qui ne vient jamais à cause des blocages des provocateurs. L’assemblée a dans cette nouvelle forme de mobilisation (et de dynamique de mobilisation croissante) pour rôle d’être la caisse de résonance (de raisonnement élargi) et de coordination au consensus des initiatives de terrain. Ces initiatives sont imaginées par des acteurs autonomes qui viennent se coordonner et chercher des ressources et du conseil élargi dans l’assemblée. La mise en oeuvre d’une action ne dépend donc pas d’une autorisation de l’assemblée, sauf si s’y formule une objection qui convainc les intéressés eux-mêmes. Elle dépendra de la capacité des initiateurs à mobiliser des volontaires et des ressources.

Il est fort probable que la démocratie « de stigmergie et de palabre » des prochaines vagues du mouvement social emportent enfin des digues intérieures désormais bien identifiées et qui en limitaient les capacités de mobilisation et d’action. Les assemblées ne seront enfin plus des locomotives grinçantes, contraintes de chercher à avancer tous freins serrés à cause de toutes les différences de tempéraments et de culture d’action, mais bien le lieu d’où les actions partent ou se font connaître, quelles que soient les objections et les manoeuvres de ceux dont le métier, la vocation ou la médiocrité consiste à les empêcher. Comment ? En donnant à l’assemblée son rôle, et pas plus, qui est de définir dans quelle direction générale tout le monde veut aller, et en laissant chacun-e libre de la manière d’y aller, puis de veiller tout de même à suppléer au manque de discernement de ceux qui mésusent de cette liberté.

VA, copyleft, octobre 2014, texte librement reproductible, réutilisable, modifiable, y compris à un usage commercial, mais en faisant mention de la source : http://vigilius.eutopic.info et à condition que le texte modifié soit publié aux mêmes conditions.

référence théorique en Français ici :
http://www.lilianricaud.com/travail-en-reseau/la-stigmergie-un-nouvelle-modele-de-gouvernance-collaborative

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Vers un 4ème changement de paradigme monétaire ?

Billet de 5 milliards de Marks en 1923

Billet de 5 milliards de Marks en 1923

En prenant un peu de recul historique par rapport aux détails techniques de l’histoire récente de la monnaie, on distingue 3 âges principaux de la monnaie. La monnaie-dette des marchands antiques, la monnaie-or du Souverain et la monnaie-dette des banques modernes depuis le XVème siècle. Nous sommes à l’aube de l’apparition d’un 4ème âge de la Monnaie : celui de la monnaie gérée démocratiquement, qui attend simplement encore de savoir ce qu’est une démocratie.

La monnaie-dette matérialisée par des reçus sur tablettes d’argile, des omoplates de chameaux, des billes d’argiles scellées, etc. des marchands de la haute antiquité était une monnaie libre émise par des acteurs économiques impliqués dans leurs échanges.

Ensuite la monnaie-or émise par le Roi ou l’Empereur facilitait les échanges au sein de la population, mais était déjà devenue une servitude pour le peuple. Le souverain impose au peuple sa monnaie par la force, en obligeant paysans et artisans à accepter des pièces qui lui servent à payer sa soldatesque et à lever l’impôt. L’outil d’échange est aussi conçu comme un outil de pouvoir du Souverain tant par rapport à ses peuples qu’à ses vassaux condamnés à perdre progressivement de leur influence. Déjà à ce moment, le droit de frapper monnaie était un monopole et un chemin vers la toute-puissance. Cette monnaie-or était également bien plus pratique pour lever l’impôt que par des saisies en nature.

La monnaie-dette vénitienne, qui est celle des banques privées (et de quelques rares banques mutualistes) et qui leur donne depuis le XXème siècle tout pouvoir sur les peuples, les états, les entreprises, revient à donner au secteur privé de recherche exclusive du profit l’initiative de la création monétaire et du flux des investissements. C’est le système d’émission de près de 90% de la monnaie en circulation dans le monde et qui par son caractère exponentiel a assuré au fil des siècles la « prévalence » de l’Occident querelleur sur toutes les autres civilisations que ses nations et ses compagnies prédatrices, en perpétuelle rivalité pour la puissance, ont colonisé et détruit. Il aboutit à la croissance exponentielle de la masse monétaire, de la dette et aboutit inexorablement à la dévastation de toutes les ressources du globe au service de la logique du profit devenu totalitaire. La puissance des acteurs de la création monétaire privée est telle qu’ils sont parvenus, tant aux USA qu’en Europe, à dépouiller les états-nations de leur privilège de frapper monnaie sans avoir à payer d’intérêts*.

Maintenant, la crise du taquet de l’universalité de la la dette a déclenché via internet et l’Open Publishing multilatéral une « vulgarisation » massive de la question monétaire malgré l’omerta médiatique tant publique que privée. Ce qui se pose enfin, c’est une des questions-clefs qui avait échappé à Karl Marx au XIXème siècle et qui va immanquablement révolutionner notre monde : celle de l’importance stratégique de la gestion démocratique de la création monétaire. Frapper monnaie est une prérogative du Souverain, du moins c’est ainsi que le peuple a été conditionné à penser la monnaie, d’abord avec les rois et ensuite, depuis les siècles où la Banque et les puissants dissimulent aux yeux du peuple leur rôle et les collusions en oeuvre dans la création monétaire privée. Maintenant, le peuple se rappelle qu’en démocratie, c’est lui le Souverain et se demande sur tous les tons pourquoi ce privilège est monopolisé par des banques privées irresponsables par rapport au destin collectif des peuples, des nations et de l’écosystème du globe.

Dans ce contexte pré-révolutionnaire au sens civilisationnel autant que politique, les monnaies locales et les SELs participent de la pédagogie et de l’éducation populaire quant à la question monétaire. Celle-ci est devenue un enjeu de civilisation, un enjeu vital pour sortir de la démesure de la modernité et permettre la Transition vers des activités humaines mieux régulées.

Mais la critique est aisée et l’art difficile. Les formes que peuvent prendre ce 4ème âge de la Monnaie sont multiples et sont encore peu explorées relativement à l’abondance des critiques suscitées par le système actuel. Ces formes sont, selon de degré de profondeur de la réforme politico-économique qui émergera dans les faits pour sortir de l’ornière : re-nationalisation de la création monétaire publique ; réforme des acteurs économiques et financier de leur statut Privé de Capital en statut géré collectivement et de façon multilatérale, ainsi que l’explore le droit expérimental des « Communs ». C’est une solution de transition qui permettrait de conserver le système des réserves fractionnaires, mais de le faire fonctionner de façon non purement étatique à partir d’acteurs collectivement responsables et contrôlés démocratiquement ; et enfin octroi pur et simple de la prérogative de frapper monnaie et de la responsabilité de contribuer à l’équilibre monétaire systémique aux assemblées souveraines et démocratiques, qu’elles soient nationales ou subsidiaires (territoriales), selon la nature centralisée ou confédérale des démocraties qui seront instituées ; octroi aux acteurs économiques, individus et entreprises, d’émettre la monnaie-dette correspondante aux services ou aux biens qu’ils fournissent à leurs clients en même temps qu’ils créent une dette. C’est une forme de création monétaire que tout un chacun peut expérimenter dans un SEL** près de chez soi. Ce sont ces 4 solutions, certainement à panacher, et d’autres peut-être encore, qui méritent de faire l’objet de recherches sérieuses, de l’application de l’intelligence collective des réseaux de Crowd Thinking que la population oppose aux Think Tanks des multinationales et de l’oligarchie en terme de création symbolique et de production de solutions.

V.A. 29 août 2015,texte librement reproductible en faisant mention de la source : http://vigilius.eutopic.info

* Le système US de la « Fed », obligeant le Trésor Public à payer des intérêts pour ses obligations émises a passé l’Atlantique suite à l’offensive de la secte néo-libérale, avec la loi Pompidou-Giscard en France, devenue l’article 104 du traité de Maastricht puis l’article 123 du Traité de Lisbonne.

** SEL, Système d’Echange Local (LETS dans les pays anglo-saxons). Ces systèmes de solidarité gèrent des monnaies locales souvent basées sur le temps dont les unités sont émises directement en même temps qu’une dette par ceux qui fournissent des services

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Les 3 piliers de la profitation mondialisée : trois axes pour le mouvement social

Comprendre le capitalisme pour le détruire


C’est à la fois une conclusion synthétique et un point de départ. Le capitalisme comme système, analysé sous l’angle épuré de la seule recherche de sa destruction, repose principalement sur trois piliers. Ces trois piliers deviennent alors les axes fondamentaux de lutte et de proposition pour le mouvement social.

Le premier pilier du système capitaliste devenu mondial repose sur la forme juridique de la personne morale des entreprises, qui appelle à une révolution législative chirurgicale mais décisive pour découpler pouvoir et propriété privée et accoupler responsabilité et gestion commune, pour donner un sens autre que le profit pour lui-même (c’est-à-dire le non-sens) à l’action collective humaine. Le deuxième pilier du capitalisme, qui lui confère la toute-puissance et nous asservit tous, états, nations comme individus, c’est la captation de la circulation du crédit (la monnaie des banques) par le système bancaire privé qui appelle à une révolution de la création et de la circulation monétaire locale, régionale et mondiale. Le 3ème pilier, c’est notre propre soumission et notre propre participation, résignée, désespérée ou jouisseuse à l’édification ou au maintien féodalités financières, entrepreneuriales, politiques et religieuses. S’affranchir de l’esprit de soumission et de l’organisation hiérarchique partout où c’est possible, c’est apprendre à construire sa vie et le monde sur d’autres ressorts que la relation de domination-soumission, la corruption, le pouvoir, la manipulation, la séduction, l’envie ou la peur. C’est une révolution spirituelle, culturelle, pédagogique et sociale, celle de se gouverner ensemble sans chefs.

Ces trois piliers ne sont pas les seuls, ils sont seulement les trois principaux à abattre. Toutes les autres réalités, structures et dynamiques, toutes les inventions et les innombrables conséquences importantes ou secondaires, monstrueuses ou anodines du capitalisme reposent et foisonnent à l’infini à partir de ces trois piliers fondamentaux enracinés dans l’histoire de la modernité et bien au delà en arrière.

Venir de tous les horizons pour commencer à casser ces trois piliers, c’est couper court aux bavardages, aux commentaires interminables, aux pesées grassement rémunérées avec deux poids et deux mesures du pour et du contre, c’est prendre l’initiative en sachant où aller, c’est se lever pour pour agir, se lever pour protéger, se lever pour chasser, pour tuer l’hydre à trois tête qui dévaste cités et campagnes, qui empoisonne la terre, arrête le bourdonnement de l’abeille, fait fondre les montagnes, brûle la forêt, noircit la mer, éteint les étoiles du ciel et corrompt jusqu’au for intérieur de l’homme, de la femme et de l’enfant. Allons ! Il est temps de dévaler depuis tous les horizons à la fois, pour circonscrire le mal et pour le vaincre, pour changer d’ère, enfin. Il y a trop à perdre à ne rien faire.

La méthode de réduction synthétique qui dégage ces trois angles d’attaques principaux n’est pas une doctrine, un obscurantisme ou un mysticisme. Ce n’est pas non plus du romantisme révolutionnaire. Il y a une intelligence créatrice qui s’aiguise dans ce combat mené sur tous les plans et sur toutes les interfaces de la complexité du système. Cette intelligence créatrice est notre principal atout. Sans elle, le combat pour un monde meilleur non seulement ne peut aboutir, mais ne peut même pas véritablement commencer.

Tout un monde qui attend son  heure

La multitude des héros et des héroïnes qui scrutent pour les détruire partout où elles apparaissent ces trois têtes hideuses de l’hydre mondialisée, ainsi que toutes les autres qu’elles ont engendrées et engendreront encore, savent mieux que quiconque formuler très clairement ce que nous ne voudrons jamais plus voir dans les formes et les pratiques nouvelles que nous commençons déjà à forger. Elles existent déjà, parfois depuis longtemps, certaines de ces formes nouvelles, mais elles sont comme les pièces d’un puzzle encore éparpillé. Elles sont partout présentes ou intuitionnées, au coeur du jardin secret des rêveureuses d’équité et de joies partagées, au fond des ateliers, des tranchées, des campagnes ou des caves, dans les labos, les couloirs et les cafets des universités, et aussi dans les recoins oubliés de l’histoire réécrite sans vergogne par les vainqueurs, loin du regard des prédateurs, loin du feu des projecteurs ; toutes ces formes et voix nouvelles ou vénérables, encore ou toujours étouffées par le revers des couvertures médiatiques faites pour les faire taire, pour faire croire qu’à part l’inacceptable, il n’y a rien à voir, rien à faire, rien à dire.

Tels des mammifères minuscules nocturnes et furtifs fuyant les pas lourds des dinosaures démesurés, les formes et l’image du monde de demain encore à construire attendent leur heure. Elles s’aiguisent et attendent d’être brandies au point de l’aube pendant que d’autres préparent activement la venue du météore qui jettera à jamais le feu puis la nuit sur l’ère des monstruosités.

La Geste suspendue

Au coeur de la lutte contre l’ancien paradigme qui est aussi l’effort pour créer le nouveau, il y a un point d’oscillation, un moment critique de l’histoire qui est aussi un basculement doté d’une durée tragique.

Dans l’arène, quand dans la confusion, toutes les formes sont encore éparses et qu’aucune image d’ensemble positive ne se dégage pour l’avenir, quand la création symbolique est encore et toujours monopolisée et stérilisée, quand l’art et l’intelligence ne produisent que des profits, des commentaires et jamais de sens, alors, les héros suspendent indéfiniment leur geste, les foules tournent en rond, désorientées, ne savent où faire porter leurs efforts, hésitent à porter le coup fatal au monstre qui les asservit, celui qui les fait vivre et les laisse mourir. C’est le temps de la violence, du désespoir, de l’émeute et de la révolte, pas de l’exode libérateur ou de la révolution. Quelques profiteurs pendus aux lanternes ou tirés de leur lit à l’aube ne mettent pas fin à l’ère de la profitation, derrière eux mille autres attendent pour prendre leur place. Tant que l’image du monde n’est pas formulée en conscience, tant qu’elle n’est pas discernable en positif et non en creux, alors se prolonge l’heure ou bien le siècle du désarroi et du doute.

Mais dans le même temps, sur la table de l’architecte et du rêveur éveillé, quand toutes les formes anciennes et nouvelles sont éparses et qu’aucune image d’avenir ne se dessine vraiment encore, ce que l’être de conscience ne veut plus jamais voir, ce qu’il ne veut plus jamais vivre, ce qu’il ne veut plus jamais subir ni faire subir dessine clairement les contours des agencements à composer, donnent une direction sûre à ses traits qui jettent enfin des fondations qui rassurent et finissent immanquablement par enthousiasmer tous ceux qui attendent au milieu du gué de l’histoire, à entraîner même ceux qui sont restés sur l’autre rive, sous le poids de la soumission ou du dégoût d’eux-mêmes. Alors, dans la confrontation du monde et du coeur, de la conscience et de la pensée des catégories inédites apparaissent qui tournent la page du nihilisme dans lequel à sombré l’époque. Le désir de construction commune est recontacté. Le consensus, par delà les clivages historiques, culturels, raciaux ou de classe redevient possible, parce que les fondements de l’espoir commun ne sont plus idéologiques, ni métaphysiques, ni identitaires, ni situables politiquement dans les anciennes catégories, mais existentiels et qu’ils relèvent de l’humanité et d’un destin partagés.

Tisser l’étoffe du monde nouveau

La méthode. Au croisement de ce que j’affirme et de ce que je refuse

Devenir et rester vigiles sur ce que nous ne voulons plus jamais voir, vivre, subir ou faire subir, voilà donc le geste de dénégation encore et toujours répété qui tissera la trame du monde de demain à partir des fils tendus depuis le passé vers l’avenir par l’intuition et l’imagination créative propre à l’esprit humain et au foisonnement de la vie. Savoir ce que nous ne voulons plus jamais voir, vivre, subir ou faire subir à d’autres est donc essentiel, mais qu’est-ce que c’est, exactement et dans le détail ? En faire la liste et la partager, c’est construire sans même le savoir la grande coalition des forces du mouvement social de demain. Peu à peu, comme tout se tient, tous seront amenés à brandir les cahiers de doléances issus de l’indignation de chacun.

Savoir quels fils tendre vers l’avenir, quelle direction donner à la construction commune est l’autre travail créatif à parachever, c’est celui qui accouchera des nouvelles formes de l’organisation collective, sociale, économique et politique. Il a fallu la renaissance européenne, redécouvrant la démocratie grecque pour mettre fin aux monarchies de droit divin en Europe, sur lesquelles se fondaient l’inégalité et les injustices vainement combattues au prix du sang par les peuples durant les âges sombres. Maintenant, c’est cette modernité démocratique européenne, c’est-à-dire cette antiquité née du génie grec, qui devient la forme à dépasser tant elle est incapable de se refuser à l’étreinte de l’ogre pour sauver le monde, d’extraire l’humanité de sa culture du rapport de force, tant elle est incapable d’assurer la justice et l’équité et d’assumer les défis sociaux, écologiques, climatiques, monétaires de l’époque. Et qu’on ne nous menace pas de tyrannie !

L’Europe et les Etats-Unis d’Amérique avaient ressuscité le modèle grec comme forme de la modernité politique. Il s’est agi d’une révolution politique, mais pas une révolution économique, culturelle et sociale. La bourgeoisie a continué à armer ses navires pour piller le monde et ses ressources, elle a continué à faire ses guerres pour génocider, ses lois pour asservir les peuples, pour les condamner aux travaux forcés. En Europe, les principes universels édictés sont restés à l’avantage quasi exclusifs de quelques nationaux au détriment de tous les autres peuples et races vaincus et colonisés par la collusion du capitalisme, de la finance et du pouvoir politique. Maintenant que la ploutocratie s’accomode de la forme démocratique pour asservir le peuple, maintenant que ce système a tout envahi, maintenant qu’il devient universel sans être universaliste, où dans le passé de l’humanité ou bien dans quelle imagination du futur, l’humanité globalisée doit-elle chercher ou inventer la forme de son organisation macro-sociale, la forme de la régulation de son activité économique, les formes de son vivre ensemble à toutes les échelles ? Y répondre, de toutes les manières possibles, c’est tendre les nouveaux fils pour raccrocher un avenir à notre présent et tisser les formes nouvelles de notre être, vivre et travailler ensemble.

Vigilius Argentoratensis

v. 0.5

1ère mise en ligne 18 février 2011

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Les 3 composantes en France et dans le monde de la Révolution Anti-catastrophique

L’opposition droite-gauche ne parle plus de l’essentiel, réduite qu’elle est à des aspects sociétaux et à une défense commune des acquêts des dominants. Dans l’opinion, elle fait insensiblement place à ce que l’indignation mondiale appelle la dialectique 99% vs 1%, à ce que la dissidence de droite (celle qui mobilise autour du souverainisme et de la résistance des traditions et des principes) appelle la dialectique Système-Antisystème, et que la résistance altermondialiste appelle la dialectique Globalisation-Localisation.

Cet axe BAS-HAUT n’est pas nouveau. Au siècle dernier, c’est bien-sûr lui qui était en jeu, notamment lorsqu’un parti – marxiste, fasciste ou national-socialiste – réussissait à incarner le BAS et ses espoirs dans les situations de crise. Maintenant, l’axe BAS-HAUT émerge dans 3 groupes sociétaux distincts : chez les souverainistes, qui sont fortement implantés à la base dans les corps intermédiaires de sécurité, et qui a le mérite de mettre l’accent sur la réappropriation de la création monétaire ; dans la population et ses « explorateurs » qui commence a élaborer ses solidarités, ses monnaies locales et ses modes de décisions démocratiques qui privilégient d’écouter tous les gens concernés avant de décider ; et dans le secteur de l’économie sociale et solidaire qui expérimente depuis récemment des formes juridiques innovantes, à même d’être appliquées aux entreprises de capital, alternative prometteuse à la logique de nationalisations de l’ère socialiste du XXème siècle. Ces 3 groupes ont en commun de s’opposer farouchement, mais en ordre dispersé et donc sans aucune chance de succès, à la toute puissance des sociétés transnationales et de leurs exécuteurs des basses œuvres politiques, les partis de l’establishment et les gouvernements.

Séparément, aucun de ces 3 mouvements ne peut révolutionner quoi que ce soit. Les souverainistes-étatistes sont les mieux placés pour prendre le pouvoir en cas de troubles, par les urnes ou par la force, mais ne disposent pas des concepts et des pratiques nécessaires pour créer le « nouveau paradigme » de civilisation à même de sauver l’espèce et la planète de la catastrophe annoncée. Les promouvants de la transition écologique et sociale par la relocalisation ne disposent pas des leviers de pouvoir, ni des concepts managériaux à même d’assurer sans hiatus la transition post-capitalistique des grands groupes. Pour terminer, le secteur de l’économie sociale et solidaire de combat ne dispose pas des financements et des appuis politique à même de le faire exister autrement qu’anecdotiquement.

L’émergence d’un axe BAS-HAUT composite, alliant ces 3 forces devient la condition sine qua non du changement de paradigme, de la nouvelle civilisation anti-catastrophique, de la restauration de la préoccupation d’équité, etc. Le nouveau paradigme, la perspective d’une issue, forcément complexe, commence à devenir discernable quand on considère ensemble ces 3 composantes de la société dans leur complémentarité et non plus séparément ou en fonction de ce qui les oppose.

Seulement, dans ces trois composantes complémentaires de la révolution à faire, il y a des gens et des groupes politiques et religieux attachés à des formes sociétales que tout sépare, par exemple, sur le plan des mœurs, des croyances ou de l’absence de croyance, de la culture de classe, du nationalisme et de l’universalisme, etc.

Leur alliance n’est possible que dans un contexte particulier qui reste maintenant à créer par tous ceux et toutes celles qui sont conscientes des enjeux de notre situation historique et de notre responsabilité en tant que nation universelle.

Vigilius Argentoratensis, 4 juillet 2014

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Nous, les invisibles

C’est vrai, « nous », les foules sentimentales, nous n’avons pas de parti. Nous sommes indiscernables, nous sommes cachés sous la « couverture médiatique » tirée sur le monde pour tenter de nous rendre invisibles. Qui sommes nous en réalité ?
Parallèlement à la montée du nationalisme, mais loin du feu des projecteurs, nous assistons à la renaissance et à l’émergence d’un tiers secteur économique, celui du renouveau des solidarités, de la responsabilité globale, de la coopération multilatérale. A l’image du mouvement coopératif et mutualiste a-partisan de la fin du XIXème siècle, mais plus fortement qu’à l’époque (à cause de la déconfiture du socialisme autoritaire qui ne lui fait plus concurrence) il se structure en catimini et en faisant fi des clivages politiques et religieux sous l’effet cumulé de crise systémique : sociale, environnementale, économique, financière et monétaire. Il s’agit d’une force émergente, encore partiellement inconsciente d’elle-même et de ses contours, mais fortement motivée par la survie et par une éthique, qui pour être hétérogène, n’en est pas moins forte et largement immunisée contre les velléités de corruption par le privé et de clientélisation par le public.

« Nous » sommes donc a-politiques, « a-partisans »,  « nous » ne sommes ni pour le privé (la droite), ni pour l’état (la gauche), ni pour le repli nationaliste, ni pour la globalisation. D’être indiscernable, nous rend insignifiant aux yeux des prédateurs. Cela nous donne le temps de changer le monde par la base, par nous-mêmes, par notre entourage.

Nous, nous sommes comme des termites, nous bâtissons loin des regards. Quand les puissants du privé et du public assis à la table du banquet nous discerneront enfin, il sera trop tard pour eux. Ce sera quand leur trône miné à la base cédera sous leur poids.

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Pour une cure de civilisation radicale

L’enjeu de civilisation principal de toute discussion sur la « réelle démocratie », mais qui échappe à tous ceux qui réduisent la politique à la « res publica », sera son efficacité à savoir gérer autrement qu’ils ne le sont actuellement les acteurs économiques eux-mêmes, surtout les grosses entreprises de capital. Ces entreprises, qui occupent et soumettent une grande portion de la population active, déploient sur le monde entier leurs nuisances. Elles combinent une organisation militaire et le pouvoir aux seuls actionnaires.

Quel que soit le système politique en place dans la République, dans les institutions Européennes et internationales, il sera sous la pression irrésistible des lobbies de profit de ces transnationales dans tous les secteurs. Rajoutez ici vos indignations par rapport à Montsanto, Nestlé, Goldman Sachs, etc., par rapport aux OGM, à la biodiversité, la santé, l’alimentation, la crise climatique, la corruption, l’environnement, le confort animal, la fiscalité, la dette, la finance, la pollution, le chômage, les inégalités économiques, la cherté des loyers, la spéculation sur les matières premières, etc.

Face à une telle accumulation de maux, la solution simple et compréhensible pour tous ne peut être que radicale, c’est-à-dire remonter à la racine du mal. Cette solution consiste à réformer en profondeur la personnalité juridique des Sociétés Anonymes et à Responsabilité Limitée (au moins de leurs filiales sur un territoire donné) afin d’introduire d’autres finalités que le profit pour lui-même dans les secteurs financiers et industriels. Là est la racine structurelle du mal dans tous les domaines. Là est donc aussi le point où faire porter tous nos efforts de guérison : parvenir, par appropriation révolutionnaire, par réforme, par lâcher-prise, peu importe, à gérer les multinationales de façon démocratique et multilatérale*. C’est la seule façon de les guérir de leur monomanie du profit et de mettre un terme à leur poly-délinquance multirécidiviste.

Vigilius Argentoratensis, 22 janvier 2014, 16:47
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* une direction d’entreprise démocratique et multilatérale, signifie une direction où toutes les parties prenantes, par exemple les entrepreneurs, les financeurs, les salariés, les voisins, les fournisseurs, les clients ou usagers, les représentants de collectivités, les associations thématiques et éthiques y partagent le pouvoir, peuvent s’exprimer et contribuer à la définition des politiques de l’entreprise.

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LA SYNARCHIE N’EST PAS UN COMPLOT, C’EST UN ECHEC

La synarchie (littéralement : régner ensemble), élaborée et instaurée par un consensus des élites au XXème siècle en France et partout en Occident, n’est pas un complot, c’est une construction politique fondée sur des forces et des corps intermédiaires organisés et opposés. Faite de rapports de forces et de régulations désormais déséquilibrés, bousculée par le totalitarisme corporat d’un côté et l’émergence souterraine de la coopération multilatérale, vitale pour la population, la synarchie devra évoluer en intégrant cette 3ème force contre le Capital prolifératif, ou s’effondrer totalement et laisser place à l’inconnu. Maintenant, il va falloir à nouveau plancher. Petite contribution indépendante et non sollicitée à cet exercice de style

En voyant, un président Hollande de gauche faire encore plus néo-libéral à l’intérieur et néo-conservateur en politique étrangère que son prédécesseur de droite, les apparences ne sont plus sauves, Rome n’est plus Rome. Le bon peuple, par la voix de Ben Smith s’écrie : « Nous sommes dans un complot établi officiellement par les parti dominants ».

Il est de mon devoir de membre autoproclamé de l’élite intellectuelle socialement déclassée (pour avoir toujours refuser de manger de ce pain-là), de rappeler au petit peuple dont je fais partie, qu’il n’y a pas que les partis dans ce « complot ». En fait, en France, il est question ici d’un accord qui a été négocié après-guerre entre le PCF et les syndicats (armés pendant la résistance), les gaullistes (qui contrôlent l’armée et les préfectures) et le grand capital (Banquiers, héritiers du Comité des Forges, industriels).

Le consensus d’après-guerre s’est forgé quand le grand capital s’est engagé à renoncer à instaurer une dictature à la place de la République en échange d’un dépôt des armes par le PCF. Là il faut rappeler que le modèle bicéphale de l’Etat de Vichy (qui s’est effectivement incarné par le binôme Pétain-Laval) avait été conceptualisé très tôt dans les années 30 par une bande de fumeurs de cigares*. Le parti Communiste a d’autant plus facilement accepté de rendre ses armes et ses munitions de FFI, qu’il était en situation d’aller tranquillement à la soupe par les urnes. Les syndicats et les socialistes avaient déjà renoncé depuis longtemps à décapiter le capital et la finance. Ils l’avaient démontré dès 1936 en préférant sauter sur leurs bicyclettes pour profiter de leur semaine de congés payés. Après-guerre, les syndicats ont reçu le droit de gérer la Sécurité Sociale. Ils ont surtout vu leur rôle officialisé dans l’édifice Républicain par leur adoubement dans les négociation par branches professionnelles**. La synarchie est, en France, la synthèse républicaine du capitalisme et de son ennemi de cent ans, le socialisme de revendication et de redistribution.

Passée la parenthèse de la guerre, en France, nous sommes donc restés officiellement en « synarchie » (prononcez : « démocratie »), version 1936 modifiée 1945. La synarchie d’après-guerre, qui dure jusqu’à présent dans ses formes, n’a jamais été à proprement parler une démocratie, sauf en partie au sens de Ricoeur en ce qu’elle permet bien de faire coexister, en civilisant leurs conflits, des oppositions internes réputées inconciliables. Dans la synarchie du XXème siècle, le pouvoir n’est jamais au peuple. Muet, déclaré incompétent, vidé des élites, il est systématiquement exclu de la rédaction des lois et des choix stratégiques de la nation. Avant l’ère des réseaux, comment aurait-il pu formuler des avis et des opinions autrement que par des corps intermédiaires ? Comment aurait-il pu concevoir d’agir collectivement en-dehors d’organisations structurées ou de mouvements spontanéistes sans conséquences durables sur l’organisation sociale et économique ?

La synarchie d’après-guerre, qui perdure vaille que vaille, n’est donc pas spécialement démocratique. Il s’agit de « gouverner ensemble » un monde complexe, entre gens civilisés et éduqués avec qui on peut discuter et se disputer. Cet art est fait d’ententes, de marchandage et de confrontations. Il est pratiqué par les élites qui monopolisent soit les finances, soit les entreprises, soit les institutions, soit des sphères d’influence significative sur le public. Les élites synarchiques sont donc celles du capital, des syndicats, de la haute fonction publique, de la presse et du spectacle, et des partis qu’ils soient de droite ou de gauche.
C’est bien-sûr une construction maçonnique en cathédrale gothique, où chaque composante, chaque force qui s’oppose aux autres contribue de fait à la stabilité et à l’élévation de l’ensemble monumental. Ce genre de synthèse a eu ses équivalents dans les pays anglo-saxons et ailleurs en Europe, avec différentes variantes locales, par exemple les charities et les Eglises remplaçant à leur manière aux USA les aides publiques inexistantes.

Actuellement, la synarchie, déjà trahie de l’intérieur, est menacée aussi par la marge et la base. Elle est confrontée à deux forces qu’elle n’équilibre pas, ce qui explique les temps troublés que nous traversons. Il s’agit d’un côté du néo-libéralisme muté en hyper-capitalisme prolifératif, et de l’autre du paradigme émergent qu’il suscite et attise par opposition, celui de la fédération des coopérations multilatérales et horizontales dans la population.
Actuellement, il faut parler des visées totalitaires du pouvoir corporat. Conceptualisé aux USA en 1970 sous le nom de néo-libéralisme en réaction à la génération Hippie totalement inconsciente de ce à quoi elle s’attaquait, il s’est déployé depuis sur le monde, les institutions internationales et nationales et en a absorbé les élites politiques, y compris en France et en Europe. Cette force, celle du capitalisme suprématiste, fort de toutes les compétences mercenaires qu’il s’achète et dopé à la dette, a pris partout les pouvoir législatifs et exécutifs, après avoir monopolisé celui de la Presse.
Politiquement, il dérégule l’économie, bride les pouvoirs de l’état contre lui mais renforce l’autorité de l’état sur la population, fait multiplier par précaution les lois sécuritaires, déploie la troupe et marchandise tous les secteurs, y compris ceux de la sphère publique. Le capital a donc rompu, dès 1973 en France, le pacte synarchique de 1945.
30 ans plus tard, il en tire un avantage insolent, décisif, voire définitif. Désormais, le pacte synarchique est révoqué, bien que continuellement convoqué dans ses formes, qui sont celles des institutions et des symboles, que le capital instrumentalise désormais à son seul profit.

Face à ce déchaînement de toute puissance catastrophique, la coquille encore habitée des institutions ne peut plus compter sur aucune force identifiée en son sein pour réguler le monstre. La seule force qui existe encore face au capital, c’est celle non-discernable parce qu’exclue du nombre des acteurs élitaires qui comptent, à savoir, le peuple, la population. Mais la population dont il est question n’est plus la « masse » vidée de ses élites du XXème siècle, mais un réseau multiforme d’individus en interaction constante et non-localisée.

Il s’agit là de l’irruption d’une réalité sociétale et cognitive inédite, l’interconnexion horizontale des individus sapiens, de leurs associations d’idées et du renforcement coopératif de leurs projets de vie par le moyen de l’Internet. Voulue par tous, et favorisée par les gouvernements Occidentaux dans la mesure où Internet leur confère l’omniscience quantitative par NSA interposée, l’interaction libre des individus et la neutralité des réseaux a fait émerger un nouvel acteur dans le jeu de la complexité de la gouvernance, à la fois réactif et proactif, capable d’actionner de façon imprévisible des réseaux, des organisation et des ressources sans rapports les uns avec les autres.
Les individus qui entrent en résistance, concrétisent, en les entrecoupant de rendez-vous périodiques qui visibilisent leur existence à leurs propres yeux, des projets et des vues qui échappent tant à la logique du capital qu’à la logique de l’Etat, c’est-à-dire, tant à l’économie managérialement militarisée des entreprises de capital, qu’à l’économie administrée, ponctionnante et redistributive de la sphère publique.
En fait, nous assistons parallèlement à la montée du nationalisme, à la renaissance et à l’émergence du tiers secteur économique, celui de la coopération multilatérale. A l’image du mouvemnet coopératif et mutualiste de la fin du XIXème siècle, mais plus fortement qu’à l’époque (à cause de la déconfiture du socialisme autoritaire qui ne lui fait plus concurrence) il se structure en force sociale, politique, économique et cognitive de façon accélérée sous l’effet cumulé de crise systémique : sociale, environnementale, économique, financière et monétaire. Il s’agit d’une force émergente, encore partiellement inconsciente d’elle-même et de ses contours, mais fortement motivée par la survie et par une éthique, qui pour être hétérogène, n’en est pas moins forte et largement immunisée contre les velléités de corruption par le privé et de clientélisation par le public.

C’est ainsi que la fabrique et la canalisation des opinions échappe désormais à l’influence exclusive des synarques en place. La population n’est plus seulement une « masse » qui s’oublie pour donner substance à des corps intermédiaires qui la trahissent, elle devient une somme d’individus, élites et « masse » confondues, interagissant et agissant sur un mode quantique et dont le rendu est à la fois prévisible statistiquement, et totalement imprévisible historiquement.

v. 0.8, janvier 2014
Vigilius Argentoratensis

* source Annie Lacroix-Riz (historienne), dans « La stratégie de la défaite »

** Le professeur Jean-Luc Mélenchon explique très bien ce dernier point qui lui tient à coeur dans ses leçons électorales

*** C’est l’analyse de Julien Coupat : avec un accord de dupe comme celui-ci, c’est le premier qui trahit qui rafle la mise. C’est le grand capital qui a trahi en France, puis en Europe, dès 1973 avec la loi bancaire passée en catimini. Coupat, moins informé, faisait remonter la trahison à l’ère Sarkozy.

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Les deux mamelles du patriarcat : phallocratie et clitocratie

RESUME

Cet article est fondé sur une contribution au débat sur les questions de genre transmise à la conférence européenne de l’Action Mondiale des Peuples – Belgrade 2004. Il met en évidence une contradiction du féminisme républicain (de droite comme de gauche) qui, pour combattre les abus de la phallocratie, en appelle finalement au système patriarcal lui-même et à son renforcement : le tout sur un fond idéologique de « lutte des genres » totalement incapable de renouveler les rapports entre hommes et femmes dans la mesure où il ne se pose pas la question de l’inanité de toute démarche de libération qui ne serait pas aussi une libération par rapport à l’esprit de système et l’esprit de pouvoir. Si les femmes y revendiquent la « parité », l’égalité d’accès aux prérogatives de la reconnaissance et du pouvoir au sein des systèmes hiérarchisés, elles ne revendiquent que rarement la renonciation pour tou-te-s aux statuts, prérogatives et gratifications indues instaurées par l’esprit de hiérarchie, de système et de domination. Elles se placent en concurrentes des hommes pour la domination, et n’accèdent plus que dans les franges libertaires ou spiritualistes à la conscience fondamentale que leur émancipation en tant que représentantes du genre humain au même titre que les hommes passe par l’abolition de l’esprit de système et de domination, principal inspirateur du patriarcat.

Les deux mamelles du patriarcat ancien et moderne

v.0.94

Contribution à la compréhension des relations entre hommes et femmes en rapport avec le patriarcat, la phallocratie, la clitocratie, la lutte des genres, le capitalisme le consumérisme et la révolution sociale

Le patriarcat

Le patriarcat dans l’histoire, c’est à l’origine la domination du père ou du grand-père réel sur une famille ou une tribu réelle, puis par extension la domination du père symbolique, l’état, l’institution sur une famille symbolique, la nation, le peuple, les administrés. Le pouvoir des institutions est patriarcal en ce sens qu’il relève non seulement de la force brutale ou protectrice mais aussi sur le crédit attribué à des valeurs éprouvées censées faire prospérer le groupe. A proprement parler le patriarcat est autant celui du « grand-père » que du « père ». Dans les sociétés patriarcales, l’homme, même d’âge mûr n’a souvent pas d’autre pouvoir que celui que lui délègue le patriarche. Dans un système patriarcal, les « pères » sont durablement « mineurs » et soumis à l’autorité jusqu’à un âge avancé (une belle illustration en est donnée par le film « Le grand pardon » avec Roger Hanin dans le rôle du patriarche). Le pouvoir qui leur est délégué est quasiment inexistant ou étroitement conditionné et contrôlé, sauf en ce qui concerne leur femme ou leurs enfants.(ce qui, nous allons le voir change radicalement dans le patriarcat contemporain). Socialement, leur devoir est l’obéissance jusqu’au décès du patriarche, décès qui ne survient jamais lorsque la figure patriarcale est symbolique comme c’est le cas dans l’état-nation moderne, dans l’administration pyramidale ou l’entreprise privée. Ce caractère d’éternelle mise sous tutelle de l’homme dans la culture patriarcale et intégralement transposée dans le système de l’état-nation, qu’il soit autocratique ou républicain. Dans la société patriarcale, la domination, le contrôle et très souvent la perversité du pouvoir s’exerce d’abord sur l’homme qui les répercute ensuite sur la femme et sur les enfants.

Pour le sociologue, le patriarcat est le nom donné à un système social de repères, ordonnateur des places, de la différence sociale entre les sexes, les générations, de règles de transmissions du nom, des interdits et des devoirs. C’est, selon l’angle qui nous intéresse avant tout un un système qui confère des pouvoirs et des obligations. La mythologie fondatrice du patriarcat dans les sociétés judéo-christiano-musulmanes remonte aux patriarches bibliques et à la figure emblématique du premier d’entre eux dans cette tradition, Abraham. Les systèmes sociaux de domination qui revendiquent cet héritage en appellent par conséquent au « droit divin » autant qu’au droit naturel et à la coutume. Ce n’est pas le propos de cet article que d’interroger la déformation et l’usurpation de la figure prophétique originelle qui préside à la refondation dans chaque génération de l’ordre patriarcal, modèle de toutes les usurpations religieuses ou idéologiques à des fins de pouvoir. Son objet est d’interroger les stratégies des acteurs et des actrices du système déja constitué et de montrer que le patriarcat se nourrit indifféremment aux deux mamelles complémentaires que sont les stratégies de pouvoir -changeantes au fil du temps- des hommes et des femmes.

Les stratégies des genres dans le patriarcat

Les genres, masculin et féminin, sont compris ici comme des constructions sociales à partir du sexe biologique, des moeurs, de la culture ainsi que de l’organisation économique et politique. Le patriarcat tribal a favorisé les mâles, et en fait les principaux instruments -bien que perpétuellement humiliés par ailleurs- de l’ordre institué. Cette gratification donnée aux mâles, la phallocratie, masque la réalité de leur statut au sein du patriarcat : victimes d’un ordre qui en les réduit perpétuellement au rôle d’exécutant et dont bien souvent la seule compensation sera d’exercer à leur tour un pouvoir sur leurs subordonnés, sur les femmes et les enfants.

Dans ce contexte, qui est encore celui de beaucoup de sociétés dans le monde, les femmes – bannies de la sphère publique – accèdent à leur tour à la reconnaissance sociale par l’engendrement d’enfants mâles. Elles prennent alors leur revanche ou leur part de pouvoir en tant que mères en élevant cet enfant mâle comme un champion, un dominant, destiné à les défendre, certes, mais aussi à laver les humiliations subies par l’homme, le père de famille. Elles participent ainsi directement et activement à la transmission par l’éducation des comportements de domination et des valeurs du patriarcat, et à sa perpétuation dans les générations.

La fonction du pouvoir des femmes dans le patriarcat moderne

Nous ne parlerons pas ici de l’expérience individuelle et collective d’auto-émancipation des femmes d’un intérêt immense dès qu’elle pourra se communiquer hors de son ghetto, et qui concerne l’émancipation par rapport à la logique-même du pouvoir et de la domination qu’elles cherchent à ne pas reproduire. Ce thème mérite une étude à part entière et dessine une aventure qui ne fait que commencer. Nous parlerons des effets plus perceptibles de la branche du féminisme qui s’est satisfaite du monde tel que modelé par le patriarcat et qui a choisi de se lancer dans la compétition pour le pouvoir sans changer le cadre existant. Là les analyses féministes du patriarcat ont avant tout consisté à dénoncer la phallocratie et visé à émanciper la femme de la domination masculine, rajoutant un volet sexuel à la révolution libérale (de droite) ou sociale (de gauche). Pour ce faire, en bonnes contemporaines de la modernité politiques, elles en ont appelé à l’état libéral qui a trouvé là sa meilleure justification pour renforcer le contrôle légal, judiciaire ou administratif de la vie privée et familiale, sphères qui relevaient jusqu’alors des libertés privées, c’est-à-dire du contrôle patriarcal exercé par les hommes eux-mêmes. Il leur a échappé que le patriarcat moderne est par excellence incarné par l’état et le pouvoir institutionnel et que c’est lui qui incarne désormais la figure symbolique de grand mâle dominant tout le groupe et toutes les femelles. Loin de s’en trouver affaibli le système du pouvoir et des valeurs patriarcales, n’a fait que gagner de nouvelles alliées et une sphère supplémentaire à régenter directement, en évinçant ses rivaux que sont les hommes réels.

Dans le patriarcat moderne, où la réalité du pouvoir est désormais instituée socialement et politiquement par le capitalisme (gouvernement des entreprises par les actionnaires) et par l’état-nation (gouvernement politique et administration pyramidale), les hommes sont encore et toujours à la fois soumis au pouvoir et sollicités à l’exercer. Mais il en va désormais de même pour les femmes qui peuvent à leur tour s’emparer de certains rouages de la machine du pouvoir, leur donnant l’impression de pouvoir la contrôler ou l’infléchir. Là est peut-être l’origine de l’illusionnement paradoxal des féministes dans leur espoir d’une émancipation pour les femmes par le truchement de l’état patriarcal lui-même. Or nous constatons que l’accession des femmes au pouvoir n’a rien de subversif pour le système patriarcal et ne le dénature en rien. En lui ont toujours coexisté de façon complémentaires les deux manifestations genrées de l’exercice du pouvoir, celui des hommes et celui des femmes. Pour mieux comprendre le patriarcat moderne et ses enjeux, il convient de décrire plus précisément ces modes genrés d’association au pouvoir. Il s’agit d’un côté de la « phallocratie », souvent décrite et bien connue maintenant en ce qui concerne les hommes, et de l’autre chez les femmes, d’une figure relativement nouvelle – bien que présente symboliquement dès l’antiquité – que nous nommerons ici la « clitocratie ».

Phallocratie et clitocratie

Le système patriarcal s’appuie sur de larges sphères de la société qui continuent à être phallocrates, c’est à dire de valoriser le fait d’être un homme, d’être fort, d’avoir un pénis, de pouvoir en jouir et prétendre au pouvoir de ce seul fait, y compris et surtout sur les femmes considérées comme une sous-espèce, principalement du fait de leurs hormones, contraintes à tenir le rôle traditionnel de prostituées ou de génitrices perpétuant tant l’espèce que les principes et les comportements de la domination.

La clitocratie est l’attitude symétrique et complémentaire de la phallocratie au sein du patriarcat devenu système et pouvoir. Elle valorise le fait d’être femme, d’avoir un clitoris non intrusif et par conséquent éthiquement supérieur au pénis, ce qui rend la femme mieux à même d’exercer le pouvoir que les hommes. Les hommes y deviennent une sous-espèce tarée par l’hormone qui les définit, la testostérone, dont on peut jouer à sa guise par la séduction et jouir à volonté, mais dont il faut se prémunir à l’avance des accès de violence par le recours à l’état, à une législation appropriée, et un contrôle social seuls à même de réprimer les pulsions congénitales qui font de tout homme un violeur, un incestueux ou un assassin en puissance. Désormais, toujours dans le cadre du patriarcat, les figures du pouvoir moderne et libéral, l’état et ses administrations, dans leur effort perpétuel pour tenter d’asseoir leur légitimité et à pousser en avant leurs procédures de contrôle trouvent dans la clitocratie l’appui pour disqualifier les hommes et imposer un contrôle social, y compris dans la sphère de la vie privée ou de la famille, l’une des rares qui échappait encore à l’emprise de l’état moderne. De leur côté, les femmes en plein effort d’émancipation sociale et professionnelle au sein des institutions, des administrations sociales, de la justice, dans l’enseignement, pensent sincèrement contribuer à libérer leurs semblables de la domination et de l’arbitraire masculin en militant pour un contrôle social accru et l’intervention directe de l’état dans les sphères privées et familiales. Ce processus est largement médiatisé et s’appuye sur la réalité de la violence masculine. L’état et son administration – figure du « père symbolique » – devient directement inquisiteur et ordonnateur de la vie privée et familiale, justifié qu’il est en tant que protecteur de la femme (et de l’enfant) contre les « pères réels ». De leur côté, les phallocrates du système à différents niveau de la hiérarchie des pouvoirs politiques, judiciaires ou médiatiques adhèrent tout naturellement à cette logique qui revient sur le terrain en cas de séparation à confier systématiquement la garde des enfants aux femmes – ne sont-elles pas faites pour cela ? – ou bien à voir les femmes devenir massivement clientes de la médiation et de la protection de l’état, de l’institution, de l’aide sociale, ce qui correspond tout à fait à leur conception de la femme : un être inconstant, faible, à assister et en quête perpétuelle d’une protection qu’ils vont s’empresser de lui assurer…

La lutte des classes, modèle de la lutte des genres

Nous voyons comment phallocratie et clitocratie forment les deux pôles complémentaires d’une dynamique qui légitime perpétuellement le recours à un état fort et protecteur. Politiquement, ce recours est justifié tant à droite qu’à gauche.

Le recours à l’état pour assurer l’abolition des privilèges masculins se nourrit à droite par l’esprit républicain où on est prêt à satisfaire toutes les demandes d’égalités politiques, y compris celle d’un « tiers état » féminin pour autant qu’on ne remette pas en cause le principe de la propriété privée et des inégalités économiques et sociales qui en découlent.

A gauche, la lutte des genres a pris modèle sur celui de la lutte des classes et fait sienne l’analyse du socialisme autoritaire où l’état était censé assurer de force l’égalité sociale et économique au même titre que l’égalité politique. Cette branche du féminisme n’a pas cherché à repenser et à reconstruire à neuf les relations de genres et à concurrencer le patriarcat lui-même, mais s’est installée dans le cadre fourni par le patriarcat, en a repris les buts, les moyens et les méthodes pour simplement y pousser en avant les intérêts des femmes contre les hommes. Ceux-ci sont considérés, peut-être à la suite d’Engels, comme anthropologiquement déterminés à dominer les femmes et à les considérer comme leur propriété. C’est une telle conception des hommes, perçus comme des mâles déterminés à stagner dans leur atavisme de domination, qui fait de la « lutte des genres » ou du recours au contrôle de l’état un horizon théorique et pratique indépassable.

Le féminisme républicain aboutit d’autant plus facilement à l’irruption de l’état dans la sphère privée, que les femmes ont mis en lumière par leur combat qu’il ne s’agit pas en réalité d’une sphère de « liberté » individuelle mais d’une sphère d’oppression au moins déterminée socialement, si ce n’est anthropologiquement.

Méprisant progressivement les compensations domestiques liées aux divisions patriarcales traditionnelles des rôles, elles font désormais, elles aussi, le choix de la liberté individuelle et de la compétition sociale. Dans ce mouvement, elles trouvent dans la hiérarchie leur terrain de lutte et dans l’état « patriarco-matriarcal » à la fois un protecteur contre la violence masculine et le moyen de compenser l’éclatement de la cellule familiale où dans leur esprit l’homme cesse d’être de plus en plus d’être une composante essentielle, y compris dans l’éducation de « leurs » enfants.

Le consumérisme et la consommation de l’autre genre

Le patriarcat moderne et le consumérisme -l’idéologie ou la religion médiatique de la consommation – s’alimentent mutuellement. Le consumérisme commence par exacerber la phallocratie en réduisant la femme à l’objet fantasmatique d’un désir masculin revisité par la publicité et la généralisation de la pornographie. A destination de la femme, il valorise les comportements d’achats liés à la séduction sur le modèle de ce que sont censés être les fantasmes masculins. L’homme y est constamment invité à consommer l’image et le corps de la femme, si possible virtuellement et de façon marchande. Dans ses relations réelles, l’homme réduit par le discours publicitaire aux seules valeurs de la séduction et de la puissance, est incité à consommer les femmes sur le modèle don juanique. La femme existe au service ou en tant qu’objet du désir de l’homme.

A la femme, le consumérisme adresse un double discours selon qu’elle est « émancipée » ou non. Là où existe encore la séparation patriarcale traditionnelle des rôles entre l’homme et la femme, à l’homme revient à la fois la corvée et les gratifications liées à l’exercice d’une profession, au rôle de producteur. A sa femme, reléguée aux tâches ménagères et à celles peu valorisées de mère, le consumérisme donne les compensations psychologiques liées aux comportements d’achats. A l’homme « le pouvoir de produire », si possible sans défaillir, à la femme « le pouvoir d’achat », si possible compulsif et irrépressible. Cette économie domestique manipulée achève d’inféoder l’homme à la production et à aliéner la femme dans la consommation à la mesure de ses frustrations, et cela jusqu’à l’éclatement du couple ou de la famille. A la femme « émancipée », et accessoirement aux minorités sexuelles dotées d’un pouvoir d’achat, le consumérisme adresse désormais le même message qu’aux hommes. L’homme-objet a fait son apparition à côté de la femme-objet. A côté du « macho », décomplexé, apparaît désormais l’image de la clitocrate décomplexée qui renvoie exactement au phallocrate la réplique de son comportement. Les hommes existent pour être séduits, consommés ou bien pour être mis au service économique ou domestique de la nouvelle clitocratie émergeante.

Désormais libres d’asservir à leur tour

Celle-ci trouve dans les rouages de l’état, de l’administration pyramidale et dans l’entreprise capitaliste un milieu rude où acquérir, d’abord au bas de l’échelle, puis bientôt à armes égales avec les hommes, les comportements de domination publique et de prédation sociale qui représentent, pour le système, la meilleure garantie de sa pérennisation à travers de nouvelles actrices, cela quelles que soient les révolutions ou les réajustements survenus dans la sphère domestique ou les reculs apparents du patriarcat à l’ancienne. En effet, si les femmes revendiquent la parité, l’égalité d’accès aux prérogatives de la reconnaissance et du pouvoir au sein des systèmes hiérarchisés, elles ne revendiquent que rarement la renonciation pour tou-te-s aux statuts, prérogatives et gratifications indues instaurées par l’esprit de système et de domination. Elles se placent le plus souvent en concurrentes des hommes pour la domination, et n’accèdent que rarement à la conscience fondamentale que leur émancipation en tant que représentantes du genre humain au même titre que les hommes passe par l’abolition de l’esprit de système et de domination, inspirateur du patriarcat, et qu’il s’agit là d’un véritable préalable à une réelle possibilité d’émancipation réelle des genres.

Sortir du patriarcat, c’est commencer par cesser de l’alimenter

Les appareils et des logiques du pouvoir patriarcal s’alimentent et s’accommodent tant de la phallocratie que de la clitocratie. Et celles-ci se nourrissent indifféremment des pratiques non-mixtes -fussent-elles à visées émancipatrices – ou de pratiques mixtes ordonnancées par des pouvoirs, par la société de consommation ou du spectacle, lesquels ne poursuivent jamais la sincérité et l’équité dans les relations. Phallocratie et clitocratie prospèrent également au cœur de l’état, qu’il soit libéral, social ou autoritaire dès lors qu’il est érigé en garant des valeurs et en force protectrice, ce qui n’est autre que la définition-même du patriarcat, inchangée depuis des siècles quelles que soient ses formes, familiales, tribales, étatiques. La libre-association des êtres, non-fusionnelle, conditionnée par leurs attentes, leurs besoins et leurs aspirations légitimes, la famille non-autoritaire, les groupes et les assemblées sans chefs et sans hiérarchies, vigilantes contre les prises de pouvoir, les perversions et les aliénations – religieuses, politiques, consuméristes, spectaculaires ou virtualistes- peuvent seules constituer le creuset d’une refonte sincère des relations entre les genres, en même temps qu’une redécouverte de leur nature, restaurée après des siècles, voire des millénaires de distorsions et d’aliénation sous la pression des pouvoirs, de l’avidité, des manipulations, des ambitions et des peurs.

1ère publication, Strasbourg – juillet 2004
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Révolution ! Quelle révolution ?

Révolution XXIème siècle
La situation est telle en ce début de XXIème siècle qu’on en tomberait presque tous d’accord pour « reprendre » ou pour « continuer » la révolution Française là où les anciens ont trébuché et échoué. Ce n’est pas faute d’avoir réessayé pendant tout le XIXème siècle, dont la Commune à Paris.

Réfléchissons à quelques pistes pour poursuivre ? Où nos anciens ont-ils trébuché ? Quelles leçons en tirer ?

– Ils ont trébuché DES LE DEBUT, en laissant faire le « putsch assembléiste » des élites élues qui se sont affranchies de leurs « mandats », des cahiers de doléances. Ils ont donc laissé faire les lois par une assemblée de « représentants » qui n’est plus responsable devant le peuple et ses assemblées locales autrement que par un rituel vide de sens : l’élection à la majorité des prochains représentants irresponsables devant le peuple.
Là notre problème est l’interdiction du mandat impératif qui est inscrit dans la constitution en vigueur dans la Vème république. C’est l’article 27, qui serait à abolir pour une réelle démocratie faite à la base et pour la base. Dans ce cas,  les partis  « muteraient » d’eux-même en autre chose que des machines à fabriquer du vent pour prendre le pouvoir par les urnes.
La situation est actuellement très proche de celle de 1789 dans la mesure où l’assemblée nationale n’élabore pas vraiment les lois, sauf à la marge, mais les entérine, proposées qu’elles sont par l’exécutif, les partis, les lobbies industriels qui fonctionnent sur le modèle des « clubs » révolutionnaires. Les clubs révolutionnaires ont évolué en Thinktanks ou prennent, à l’heure de la mondialisation, la forme de conférences élitaires internationales.

– ils ont trébuché en laissant guillotiner les Girondins, c’est-à-dire  les représentants des territoires et des cités qui perdent leur souveraineté avec le putsch jacobin, qui perdure en France à droite comme à gauche. Territoires et cités perdent leur souveraineté sur leurs propres affaires au nom de « l’égalité » qui est nivellement par le centre et dont la formule européenne est « harmonisation », c’est-à-dire le nivellement des nations et des cultures au nom de l’Europe. Or il est évident que dans une réelle démocratie, on pratique la subsidiarité, la souveraineté à la base.

– Ils ont failli à établir l’équité en laissant le commerce prospérer sur le rapport de force, la soi-disante « loi du marché », alors que le prix doit être juste et équitable et le produit pensé à l’avantage de toutes les parties en présence : le client, le producteur, le fournisseur, et notamment le fournisseur de matières premières ou d’énergie, vous savez, l’indigène qu’on colonise ou chez qui on installe un dictateur corrompu pour piller son sous-sol ou son agriculture.

– Ils ont livré le monde aux mains des avides et de machines à profit inhumaines et insensées, en laissant la propriété privée régir les acteurs économiques que sont les entreprises, les banques, les sociétés, alors que ces entreprises collectives, on l’intuitionne, sont à gérer DEMOCRATIQUEMENT ensemble par leurs salariés, leurs clients, leurs fournisseurs, les utilisateurs du même environnement pour justement créer la justesse dans l’établissement du prix, la sécurité sanitaire, la qualité, la durabilité des produits (contre l’obsolescence programmée), la préservation de l’environnement naturel, etc, et ainsi répondre intelligemment et effectivement aux crises du siècle.

– Ils ont montré leur ignorance des mécanismes fondamentaux de l’économie en laissant l’émission de monnaie par le crédit être gérée par des acteurs économiquement et politiquement irresponsables que sont les banques privées

– Ils ont failli à tous leurs devoirs en obligeant (Fed aux USA, loi Giscard en France passée en droit européen) les états et les collectivités à emprunter à taux usurier alors que l’investissement décidé démocratiquement pourrait être « monétarisé ». Ils sont passés à côté de la monétarisation démocratique du financement des acteurs économiques et de la suppression pure et simple du monde de  la finance et de ses cavaleries iniques et ruineuses, dont la cavalerie par excellence qu’est l’argent-dette soumis à intérêt lui-même.
La solution est bien-sûr de redonner au peuple le contrôle de la gestion de la création et de la circulation monétaire parce que la monnaie lui est nécessaire pour investir et échanger biens et services ou bien qu’il doit pouvoir décider librement d’échanger sans monnaie également.

Une reprise de la révolution Française selon les axes esquissés ici ferait du « penser local Français » une contribution digne de son universalisme revendiqué à la régulation globale des activités humaines dont à la fois l’époque et la planète ont besoin sur TOUS les plans : social, migratoire, économique, sanitaire, environnemental, climatique, financier, budgétaire.

Vigilius Argentoratensis, 14 novembre 2013

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